FOOTBALL UNE SÉRIE NETFLIX S’ESSAYE AU FOOTBALL



Avec «The English Game», le géant du streaming propose une plongée dans le football anglais de la fin du XIXe siècle.

Ne tournons pas autour du pot: entre football et cinéma, l’histoire d’amour est vache. Si quelques bons documentaires sont là pour satisfaire les amateurs en la matière, les œuvres de fiction, elles, sont la plupart du temps à déconseiller, vivement. La liste des navets est tellement longue qu’on pourrait y passer l’intégralité du confinement. Personne ne mérite pareille torture.

S’il fallait ne citer qu’un film qui mérite le détour, malgré tout: «Looking for Eric» (2009), de Ken Loach. A la fois pittoresque et tragique, on y découvre l’histoire d’un facteur de Manchester hanté par la fantôme de Cantona. Jouissif, par moments, mais quand même un peu perché. Reste que ce long métrage a le mérite de ne pas prendre la matière footballistique trop au sérieux et d’en faire avant tout un vecteur d’identification.

Tout le contraire de l’affreux «United Passion» (2014), financé à coups de millions par la FIFA et à la gloire de celle-ci, où Gérard Depardieu est si peu convaincu du Julet Rimet qu’il incarne que l’affaire vire au pathétique. Sans compter l’accent suisse-allemand de Tim Roth en Sepp Blatter… Comme tous les autres lieux de divertissements, le musée des horreurs est fermé, alors passons.

En ce printemps 2020, c’est Netflix qui s’essaye au périlleux exercice avec «The English Game». D’accord, ce n’est pas une œuvre cinématographique à proprement parler (six épisodes de 50 minutes) mais puisque les séries empruntent désormais largement les codes des longs métrages, et inversement, il s’agit de se demander si cette distinction fait encore sens.

L’intrigue nous replonge dans l’Angleterre de la fin du XIXe siècle. En 1879, une équipe d’ouvriers atteint pour la première fois les quarts de finale de la FA Cup. Jusque-là, le football est l’affaire exclusive de la noblesse britannique: elle a inventé le sport et ne compte pas laisser son bébé aux mains des prolétaires.

C’était sans compter le Darwen FC, club d’une ville ouvrière spécialisée dans le textile. Le patron de l’industrie locale – incarné par l’excellent Craig Parkinson – recrute deux joueurs venus d’Ecosse pour tenter de faire la nique aux lords. Une pratique alors interdite – le football est un sport à 100% amateur – à l’écho plein de sagacité.

«The English Game» est d’abord une fresque sociale: il est en réalité moins question de ballon rond que de lutte des classes. Reste que des éléments intéressants de la matière footballistique sont mis en exergue. Les premières stratégies tactiques, par exemple, empruntées au rugby, où il s’agit de progresser en bloc et force contacts rugueux.

Une vision du football qui est alors remise en question par les deux joueurs écossais, répondants d’un football avant-gardiste, basé sur le jeu de passes et l’occupation de la largeur du terrain. Une stratégie qu’ils parviendront à exporter, pour le plus grand malheur des puristes de l’époque. On valide.

Reste que la nouvelle fiction de Netflix se heurte, comme toutes ses prédécesseures, à la mise en scène du sport en tant que produit de l’instantané. Un écueil récurrent et pas réservé au football: même quand la scénographie est savamment pensée, elle butte toujours sur la spontanéité à laquelle le réel a habitué notre œil. Filmer le sport autrement qu’en «vrai», Dieu que c’est compliqué.

Conclusion, si le football vous manque vraiment, rien ne vaudra jamais un vrai match. Navré. Par contre, si vous désirez tuer le temps en alliant connaissances historiques et zestes de ballon rond, cette série est faite pour vous.

Florian Müller

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